Ponge, La rage de l'expression
Francis Ponge se fait connaître du grand public avec la publication, en 1942, de son recueil de poèmes en prose intitulé Le Parti pris des choses. L'œuvre déroute par sa démarche inattendue car il ne s'interdit aucun objet de réflexion, de l'huître au morceau de viande en passant par le galet. Avec La Rage de l'expression, publié en 1952, il poursuit dans cette direction, qu'il approfondit.
Ponge qualifie son travail de poète de « scientifique », pourquoi ?
Ponge livre au lecteur ses expérimentations poétiques. Le recueil se présente comme un ensemble de carnets de notes qui forment autant de petits dossiers dévolus chacun à un objet. Dans « Berges de la Loire », le manifeste poétique qui ouvre le recueil, Ponge affirme sa démarche et jure de s'y tenir. Il écrit : « Que rien désormais ne me fasse revenir de ma détermination : ne sacrifier jamais l'objet de mon étude à la mise en valeur de quelque trouvaille verbale que j'aurai faite à son propos ».
Son travail de formulation et de reformulation est ainsi un travail de recherche, et c'est ce processus lui-même qui constitue le poème.
Son travail de formulation et de reformulation est ainsi un travail de recherche, et c'est ce processus lui-même qui constitue le poème.
Comment Ponge parvient-il à nous montrer les objets sous toutes leurs facettes ?
Ponge explore l'objet depuis l'origine étymologique de son nom jusqu'aux plus étonnantes analogies avec d'autres éléments. Par exemple, la présentation du mimosa commence par quelques traits d'humour le croquant comme un « personnage de la comédie italienne, avec un rien d'histrionisme, saugrenu, poudré comme Pierrot ». Il s'agit là d'une allusion à l'étymologie du nom « mimosa », dérivé du latin mimus signifiant « mime ». Souvent, dans les poèmes de Ponge, l'objet devient ainsi sujet, acquérant une subjectivité. Puis, peu à peu, des analogies se dégagent, qui viennent donner une idée de l'aspect éblouissant et aérien du mimosa : les grains du mimosa deviennent des « poussins d'or » et des « petits soleils ». Facette par facette, Ponge matérialise le mimosa, comme un modélisateur 5D, pour en offrir à son lecteur une expérience immersive avant l'heure.
Ponge parle d'une « tentative d'assassinat d'un poème par son objet. ». Qu'est-ce que cela signifie ?
Ce que Ponge a souhaité consigner dans ses carnets, c'est l'« effort contre la "poésie'' » : il dit ainsi : « Je tiens en tout cas que chaque écrivain ‘‘digne de ce nom'' doit écrire contre tout ce qui a été écrit jusqu'à lui (doit dans le sens de est forcé de, est obligé à) – contre toutes les règles existantes notamment ». Ses notes retranscrivent donc le parcours d'un affranchissement littéraire et d'une redéfinition de la poésie.
Quel est le but que le poète cherche à atteindre avec ces poèmes ?
Le poète vise à connaître l'objet et les relations entre l'objet et l'humain. Cette réflexion, Ponge la qualifie d'entreprise politique, puisqu'il cherche, dit-il : « un monde nouveau où les hommes, à la fois, et les choses connaîtront des rapports harmonieux ».
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