Corneille, Le Menteur

Lorsque Le Menteur est créé en 1644, Corneille est un dramaturge reconnu, auteur de tragédies telles que Médée, de comédies telles que L'Illusion comique et de tragi-comédies telles que Le Cid. Il prend pour point de départ du Menteur une œuvre espagnole de don Juan d'Alarcon, qu'il adapte au goût français.
Comment Corneille adapte-t-il l'œuvre aux attentes du public français ?
D'abord, Corneille transpose le contexte historique de la pièce d'Alarcón : ce n'est pas au Pérou ou aux Indes que Dorante a fait ses armes mais durant la guerre de Trente Ans.
Ensuite, il fait en sorte de respecter dans l'ensemble les trois unités (de temps, de lieu et d'action) comme il l'affirme dans « L'examen ».
Enfin, il explique avoir adouci la fin de la pièce espagnole puisque, dans sa propre version, Dorante s'éprend un peu de Lucrèce. De cette manière, Corneille règle deux difficultés : d'une part il ajuste la logique de l'action entre le début et la fin de la pièce, d'autre part il préserve le ton léger de la comédie française.
Corneille veut que le public se reconnaisse dans ses intrigues amoureuses. Comment s'y prend-il ?
Il se montre attentif aux détails qui permettront de créer un effet de réel dans ses pièces.
Le choix du lieu est important : Corneille situe l'intrigue du Menteur à Paris, dans des endroits propices aux rencontres amoureuses tels que les Tuileries et la place Royale.
La façon de parler de ses personnages est également proche de celles de ses contemporains. Dorante incarne en un sens cette volonté de s'adapter puisque sa première préoccupation est d'acquérir rapidement la « façon de parler et d'agir » des Parisiens afin de ne pas passer pour un provincial.
En quoi la pièce met-elle en scène une conception romanesque de l'amour ?
L'amour est affaire de langage : il s'agit de parler aussi bien et d'éblouir autant que dans les romans.
L'amour obéit en effet à une codification précise et cet art que maîtrise Clarice n'est pas pour rien dans la préférence que Dorante lui accorde. C'est ce qui pousse Dorante à inventer son premier exploit militaire dans lequel on retrouve la métaphore guerrière de l'amour.
Dorante s'apparente à un auteur de romans, lui qui invente des récits contenant de nombreuses invraisemblances. Par contraste, Corneille affirme, grâce à ce personnage, son art de dramaturge. Mais Dorante lui permet cependant, non sans malice, une liberté d'écriture qu'il n'a cessé de rechercher.
© 2000-2024, rue des écoles