La gamme tempérée


Fiche

La gamme de Pythagore a été progressivement délaissée à compter du Moyen Âge. En effet, elle présentait le défaut majeur de ne pas avoir des intervalles constants, ce qui empêchait la transposition des morceaux. De plus, le cycle de douze quintes comportait une quinte fausse et qui dissonait.
I. La gamme de Zarlino
• Depuis l'Antiquité seuls les intervalles d'octave, de quinte et de quarte sont considérés comme consonants. Mais au Moyen Âge, on a commencé à considérer comme consonant l'intervalle de tierce majeur (rapport 5/4 en divisant la corde par 5 et en ramenant à 2 octaves). On considère désormais que l'octave, la quinte et la tierce sont consonantes. Ces trois intervalles vont former la gamme de Zarlino.
• La gamme de Zarlino comporte trois écarts : un écart 9/8, un écart 10/9 et un écart 16/15, alors que la gamme de Pythagore n'en a que deux : un écart 9/8 et un écart 256/243.
• De plus, la gamme de Pythagore a le cycle des quintes justes (sauf la dernière), mais des tierces approximatives alors que la gamme de Zarlino a des tierces et des quintes approximativement justes : il a réparti le comma de Pythagore sur toute sa gamme. Par conséquent, il réussit à gommer le problème de la quinte du loup, mais comme les écarts sont différents on ne peut toujours pas transposer (adapter une partition à un autre instrument qui n'est pas dans la même tonalité) un morceau de musique. Or, la polyphonie se démocratisant à l'époque, la nécessité de pouvoir transposer les partitions se fait ressentir.
• De nombreux musiciens vont essayer d'adapter la gamme de Zarlino, mais sans pour autant proposer une gamme présentant plus d'avantages : un écart entre les notes constant et un cycle de notes qui reboucle sur la première note parfaitement.
• En effet, il faudrait diviser une octave en 12 notes et donc résoudre l'équation \chi ^{12} = 2. Cette équation n'admet pas de solution rationnelle.
• Werckmeister, Chaumont, Rameau, D'Alembert, Corrette, Marpourg… tous ont essayé de créer des gammes pour minimiser les problèmes de la gamme de Pythagore et de la gamme de Zarlino. Mais, avec leur gamme, la transposition entraînait un changement de sonorité des notes dues aux intervalles inégaux et obligeait à changer d'instrument de musique : les problèmes n'étaient pas réglés.
• De plus, le rapport qui fut longtemps considéré comme étant le plus dissonant est le triton ou quarte augmentée, c'est-à-dire que le mode de fa est interdit par l'Église à partir du Moyen Âge, car celui-ci commence par un triton, c'est-à-dire trois tons d'affilée. Le triton est considéré comme le diabolus in musica, littéralement le « diable dans la musique », car il crée un effet d'attente ou de tension qui est très désagréable chez l'auditeur. Le mode de si est lui aussi interdit, car il correspond au même intervalle que le triton.Exercice n°1
II. La gamme tempérée
• Ce fut Bach qui démocratisa la gamme basée sur une octave découpée en douze intervalles quasiment égaux. L'idée de cette gamme est de prendre une octave de 12 notes et la découper en intervalles égaux : ce qui était différent de la conception de la gamme de Pythagore qui partait d'une note et ajoutait un intervalle choisi (la quinte). Cette conception de gamme sera appliquée surtout aux instruments qui jouent des notes fixes comme le clavecin, l'orgue, la guitare, etc., mais elle ne sera pas appliquée aux instruments de la famille du violon sur lequel les frettes ne sont que des cordes que l'on peut bouger.
• Simon Stevin (1548-1620), mathématicien flamand, eut l'idée de la division de la gamme tempérée en douze demi-tons égaux. Si on appelle k l'intervalle considéré et appelé demi-ton, et si on divise l'octave en 12, on aura l'équation suivante :
k12 = 2.
Pour une puissance de 2, par exemple : si p2 = 64 avec p > 0 alors \emph{p} = \sqrt[2]{64} = 64^{1/2} = \sqrt[2]{8^{2}} = 8. Habituellement, on ne note pas le 2 mais uniquement la racine.
De même si p3 = 64 avec p > 0 alors \emph{p} = \sqrt[3]{64} = 64^{1/3} = \sqrt[3]{4^{3}} = 4.
Donc par analogie avec les puissances précédentes :
\mathit{k}^{12} = 2\left \langle = \right \rangle k = 2^{1/12} = 1,0594630943593.
• Deux notes seront séparées d'un intervalle de 21/12. Construire une gamme tempérée c'est donc utiliser les puissances de 21/12.
• Dans cette gamme, tous les écarts (intervalles) entre les notes sont égaux, ce qui résout le problème de la transposition. De plus, la quinte du loup a disparu. On voit l'apparition des instruments dits « tempérés », c'est-à-dire capables de jouer douze demi-tons de la gamme. Le fait d'avoir plusieurs instruments pouvant jouer les mêmes notes va faire apparaître la musique instrumentale et la formation d'orchestre.
• Comme cette valeur n'est pas un nombre rationnel, il ne correspond pas à un rapport harmonique naturel. En fait, aucun rapport dans cette gamme n'est harmonique sauf l'octave. Si deux cordes de piano vibraient ensemble pour une même note jouée, on entendrait un battement dû au fait que même si les deux cordes sont parfaitement accordées elles ne peuvent pas être accordées exactement à l'identique puisque le nombre 21/12 est irrationnel. Cette gamme fait donc des concessions sur la justesse des notes même si les notes restent proches des notes pures :

Do

Mi
Fa
Sol
La
Si
Do
Pythagore
1
9/8
1,125
\frac{81}{64}
1,265625…
4/3
1,3333…
3/2
1,5
\frac{27}{16}
1,6875
\frac{243}{128}
1,89843…
2
Zarlino
1
9/8
1,125
5/4
1,25
4/3
1,3333…
3/2
1,5
5/3
1,66666…
15/8
1,875
2
Tempérée théorique
1
22/12
1,122462…
24/12
1,25992…
25/12
1,33483…
27/12
1,49830…
29/12
1,68179…
211/12
1,88774…
2

• Petit à petit, les oreilles s'habituent, et la gamme tempérée s'impose partout. Exercice n°2 Exercice n°3
III. Utilisation des différentes gammes
• Les violonistes, violoncellistes, chanteurs utilisent souvent la gamme de Pythagore, car ils ne sont pas contraints de jouer des sons fixes. Les choristes utilisent la gamme de Zarlino, car ils interprètent une musique polyphonique consonante. Les instruments à sons fixes (clavier, instruments à vent, guitare) sont accordés sur la gamme tempérée.
• Le solfège utilise 53 notes basées sur le procédé de Pythagore. Pythagore va de quinte en quinte jusqu'à revenir à une octave la plus proche possible. Il avait trouvé que 7 quintes correspondent environ à 4 octaves. Avec le même procédé, on trouve que 12 quintes donnent environ 7 octaves. Le cycle des quintes se referme de nouveau pour 53 quintes qui correspondent environ à 31 octaves. Le solfège sera ainsi constitué de 53 notes, mais contrairement à la gamme de Pythagore, on choisit la gamme des solfèges, ou tempérament à 53 intervalles égaux. Pour obtenir 53 intervalles égaux, on choisit donc un intervalle de 21/53 (un cinquante-troisième d'octave) qui sera appelé un comma.
• Ainsi un ton, par exemple do-ré, vaut 9 commas. Un demi-ton, par exemple ré-ré # ou ré-mi b, vaut 5 ou 4 commas. Une quinte aura un intervalle de 2^{31/53}\approx 1,4999, donc très proche de la quinte juste. Exercice n°4
IV. Des gammes aux fréquences
• Jusqu'au xixe siècle, les instruments s'accordent les uns par rapport aux autres à partir d'un instrument dont la hauteur était fixée par la fabrication, par exemple la flûte. Le la3 était la note de référence, car c'est la note de la corde à vide du violon, du violoncelle…
• En 1939, un congrès fixe le la3 qui est la note du diapason à 440 Hz. À partir de cette fréquence de référence, on peut en déduire toutes les autres avec les intervalles de la gamme tempérée.
• Pour la gamme tempérée, on trouve pour 7 octaves :
Note / Octave
0
1
2
3
4
5
6
7
do
32, 70
65, 41
130, 81
261, 63
523, 25
1046, 50
2093, 00
4186, 01
do# ou ré\flat ;
34, 65
69, 30
138, 59
277, 18
554, 37
1108, 73
2217, 46
4434, 92

36, 71
73, 42
146, 83
293, 66
587, 33
1174, 66
2349, 32
4698, 64
ré# ou mi\flat ;
38, 89
77, 78
155, 56
311, 13
622, 25
1244, 51
2489, 02
4978, 03
mi
41, 20
82, 41
164, 81
329, 63
659, 26
1318, 51
2637, 02
5274, 04
fa
43, 65
87, 31
174, 61
349, 23
698, 46
1396, 91
2793, 83
5587, 65
fa# ou sol\flat ;
46, 25
92, 50
185, 00
369, 99
739, 99
1479, 98
2959, 96
5919, 91
sol
49, 00
98, 00
196, 00
392, 00
783, 99
1567, 98
3135, 96
6271, 93
sol# ou la\flat ;
51, 91
103, 83
207, 65
415, 30
830, 61
1661, 22
3322, 44
6644, 88
la
55
110
220
440
880
1760
3520
7040
la# ou si\flat ;
58, 27
116, 54
233, 08
466, 16
932, 33
1864, 66
3729, 31
7458, 62
si
61,74
123,47
246,94
493,88
987,77
1975,53
3951,07
7902,13

• On voit que lorsqu'on passe d'une octave à l'autre, le rapport est 2, sur une quinte (do-sol par exemple) : on a bien le rapport de quinte 2^{7/12}\approx 3/2 ; sur une quarte (do-fa par exemple), on a bien le rapport de quarte 2^{5/12} \approx 4/3Exercice n°5
À retenir
La gamme de Zarlino est basée sur l'octave, la quinte et la tierce. Le principal problème de la gamme de Zarlino est qu'elle est basée sur trois écarts différents, ce qui rend la transposition (adaptation d'une partition à un autre instrument qui n'est pas dans la même tonalité) des morceaux de musique difficile à faire. Le comma de Pythagore est lissé sur toute la gamme.
Beaucoup d'artistes se sont exercés à modifier les gammes de Pythagore et de Zarlino afin de minimiser les problèmes qu'elles avaient.
Stevin, mathématicien flamand, eut l'idée de diviser une octave en douze intervalles égaux de valeur 21/12. L'inconvénient de cette gamme est qu'en dehors des octaves, aucun rapport n'est harmonique. De plus le nombre 21/12 étant irrationnel, il est difficile d'avoir des notes parfaitement pures.
Les instruments, le chant, le solfège utilisent des gammes différentes.
Le solfège est basé sur 53 notes de même intervalle sur une octave. Cet intervalle est appelé comma.
À partir du la3 qui vaut 440 Hz, on a pu recalculer toutes les autres fréquences de la gamme connaissant leur intervalle.
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