La construction de la gamme de Pythagore
Fiche
Pythagore, mathématicien grec de l'Antiquité, était convaincu que tout phénomène pouvait être expliqué uniquement par les nombres naturels. Il a donc entrepris l'étude mathématique de la gamme musicale grecque sur le monocorde. À cette époque, la monodie (émission d'un son unique) était pratiquée. Mais les connaissances mathématiques de l'époque et leur rapport aux notes lui permirent de diviser une octave en sept notes, qui n'étaient pas régulièrement espacées en fréquence. Pourtant cette gamme fut utilisée jusqu'au xviie siècle.
I. Quelques définitions
• On appelle intervalle entre deux notes le rapport (et non la différence) de la fréquence fondamentale de chacune. Les rapports 3/2, 2/1, 4/3 sont jugés consonants, alors que le rapport 7 est considéré comme dissonant.
• On appelle octave un intervalle de valeur égal à 2. Par exemple, la note la4 qui a pour fréquence 880 Hz est à l'octave de la note la3 qui a pour fréquence 440 Hz : la fréquence du la4 est deux fois plus grande que celle du la3.
• On appelle gamme l'ensemble des notes comprises dans une octave. Construire une gamme consiste à choisir une série de notes à l'intérieur d'une octave, ayant entre elles des propriétés de consonance.
Exercice n°1
Exercice n°1
II. La construction de la gamme de Pythagore
• À partir de son monocorde, Pythagore aurait choisi de prendre :
- la moitié de la corde qui correspond à une octave ;
- les 2/3 de la corde (car 1/3 n'est pas compris entre 1/2 et 1, et impose de prendre la note à l'octave inférieure).
• Les fractions 1/2 et 2/3 donnent des sons consonants. Puisque la corde de longueur 2/3 donne des sons consonants, il choisit les « 2/3 des 2/3 » pour avoir la même impression avec la corde de 2/3. On obtient ainsi une corde de longueur 4/9. Mais ce nombre n'est pas compris dans l'octave choisie (1/2 et 1). Il prend donc le même son, mais à l'octave supérieure c'est-à-dire en multipliant par 2 : soit .
• Prenons, à présent, les « 2/3 des 8/9 », soit .
Et ainsi de suite, on obtient les 7 premières fractions :
La 5e fraction est proche de 1/2. La 7e fraction est plus proche de 1 que toutes les précédentes : on peut considérer qu'on a quasiment bouclé la boucle. La 4e fraction est proche de ¾. D'où les rapports de la gamme de Pythagore qui s'est arrêté à la 7e fraction.
Et ainsi de suite, on obtient les 7 premières fractions :
La 5e fraction est proche de 1/2. La 7e fraction est plus proche de 1 que toutes les précédentes : on peut considérer qu'on a quasiment bouclé la boucle. La 4e fraction est proche de ¾. D'où les rapports de la gamme de Pythagore qui s'est arrêté à la 7e fraction.
• En pinçant une corde au tiers (donc en la divisant par 3), il reconnaît le rapport de quinte. Si l'intervalle entre deux notes vaut 3/2, alors elles sont en rapport de quinte. De même diviser la corde par 4 et faire vibrer les ¾ revient à parler de rapport de quarte. Si l'intervalle entre deux notes vaut 4/3, alors elles sont en rapport de quarte. Par conséquent, Pythagore part du principe que la quinte de la quinte forme un intervalle consonant avec la note de départ, il crée ainsi un accord fait par l'enchaînement de quintes justes : d'où le nom de « cycle des quintes ».
• Prenons la note do comme note de départ, et calculons un cycle de sept quintes :
Note | Do | Sol | Ré | La | Mi | Si | Fa | Do |
Intervalle par rapport au do | 1 | | | | | | | |
Fraction | 1 | | | | | | | |
Valeur approchée | 1 | 1,5 | 2,25 > 2 | 3,37 > 2 | 5,06 > 2 | 7,59 > 2 | 11,4 > 2 | 17,09 > 2 |
Fraction ramenée à l'octave étudiée | 1 | | | | | | | |
• Pythagore mit en place les intervalles consonants de base : l'octave correspond au rapport 2/1 et la quinte au rapport 3/2. La quarte étant une quinte descendante suivie d'une octave correspond à l'intervalle 2/3 × 2 = 4/3. La gamme de Pythagore est donc la suivante :
• L'inconvénient de la gamme de Pythagore est que les notes n'ont pas des intervalles constants et de ce fait un morceau de musique qui commencerait par un « la » ne serait pas transposable à un « fa » : il sonnerait faux. On ne peut donc pas modifier d'un même intervalle la fréquence de toutes les notes d'un morceau pour le transposer dans une tonalité différente.
• Les deux do devraient être situés à 4 octaves l'un de l'autre, mais . Le do créé en prenant sept quintes successives n'est pas vraiment un do, mais s'en rapproche. On a presque un cycle de sept notes. L'intervalle entre le do obtenu et le do théorique est appelé un « comma ». On dit que le cycle des quintes formées par sept notes boucle presque sur la note de départ.
• Le cycle des quintes comportant sept notes comporte six quintes justes et une quinte fausse.
Exercice n°2
Exercice n°2
III. De la gamme de Pythagore à la gamme naturelle
• Cette gamme ne comporte que sept notes ce qui est peu. De plus, les intervalles ne sont pas réguliers (soit 9/8, soit 256/243), on peut alors rajouter des notes dans les intervalles. Nous avions trouvé qu'un cycle de sept quintes reboucle presque sur la note de départ, on constate que la prochaine fois que l'on « boucle presque la boucle » (c'est-à-dire que l'on arrive presque de nouveau sur une fréquence valant 1) c'est pour un cycle de douze quintes.
• En prenant la note do comme note de départ, calculons un cycle de douze quintes :
Nous obtenons la gamme naturelle suivante :
Note | Do | Sol | Ré | La | Mi | Si | Fa | Do# | Sol# | Mib | Sib | Fa# | Do |
Intervalle par rapport au do | 1 | | | | | | | | | | | | |
Fraction | 1 | | | | | | | | | | | | |
Valeur approchée | 1 | 1,5 | 2,25 > 2 | 3,37 > 2 | 5,06 > 2 | 7,59 > 2 | 11,4 > 2 | 17,09 > 2 | 25,6 > 2 | 38,4 > 2 | 57,7 > 2 | 86,5 > 2 | 129,7 > 2 |
Fraction ramenée à l'octave étudiée | 1 | | | | | | | | | | | | |
Nous obtenons la gamme naturelle suivante :
IV. La quinte du loup
• La dernière note obtenue est et la note théorique sept octaves au-dessus est 27 = 128. Le cycle reboucle presque sur la note de départ. De ce fait, la dernière quinte sera forcément mal dimensionnée : elle sera plus petite. Cet intervalle (qui sonne donc légèrement faux) qui ne sera pas égal à 3/2, a été baptisé quinte du loup, car il semble « hurler » (à la manière d'un loup) lorsqu'on l'utilise. Le cycle des quintes comportant douze notes comporte onze quintes justes et une quinte fausse.
• Dans la pratique, les musiciens qui préfèrent utiliser des octaves pures accordent leurs instruments sur une gamme pythagoricienne en reportant la quinte du loup dans un intervalle peu utilisé. La quinte du loup n'est pas obligatoirement la dernière quinte. On peut écourter n'importe quelle quinte pour pouvoir fermer la spirale.
Exercice n°3Exercice n°4
Exercice n°3Exercice n°4
V. Le cycle infini
• Le cycle des quintes ne reboucle jamais parfaitement. Comme l'intervalle entre deux notes d'une quinte est une puissance de , pour que le cycle s'arrête, il faudrait retomber sur une octave donc une puissance de 2. Or, si on appelle n et p deux nombres entiers non nuls, il faudrait que l'on ait :
,
Soit ,
Donc
Et par conséquent, .
,
Soit ,
Donc
Et par conséquent, .
• Comme une puissance de 3 ne sera jamais égale à une puissance de 2, même si pour le cycle à sept et douze on s'en rapproche, le cycle des quintes est infini.
VI. La gamme pentatonique
La gamme pentatonique (gamme « chinoise ») est très répandue dans le monde. Elle est basée sur ce même système, en s'arrêtant à cinq quintes. Un cycle de cinq quintes donne quelque chose de légèrement inférieur à 2 :ramené à l'octave : .
Exercice n°5
À retenir
Un intervalle entre deux notes est le rapport de leur fréquence. Un intervalle de rapport 2 est appelé octave.Une gamme est l'ensemble des notes d'une octave.
Un intervalle de rapport 3/2 est appelé une quinte. Un intervalle de rapport 4/3 est appelé une quarte.
Les intervalles 2/1, 3/2, et 4/3 sont dits consonants.
La gamme de Pythagore n'est pas transposable.
Le cycle de sept quintes reboucle presque sur la note de départ, le cycle de douze quintes présente la même particularité. La quinte qui n'est pas dimensionnée s'appelle la quinte du loup. Il en va de même avec le cycle de cinq quintes qui donne la gamme pentatonique.
Le cycle des quintes est infini, c'est-à-dire qu'il ne boucle pas parfaitement sur une note de départ : car une puissance de 3 ne pourra jamais être égale à une puissance de 2.
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