Les stratégies des organisations publiques : quelles spécificités ?

L'action publique étant menée par une diversité d'organisations qui interviennent dans des domaines variés, les stratégies (et les enjeux associés) diffèrent même si elles se développent dans des contextes contraints par le même respect des principes du service public (continuité, égalité, adaptabilité) garants de l'intérêt général. Les modalités d'intervention des organisations publiques présentent une grande diversité : délégations de service public, concessions, partenariat public-privé, etc. Les entreprises publiques (propriété publique, mais sphère marchande) représentent une forme à part dont il convient d'étudier les spécificités tant par rapport aux entreprises qu'aux autres organisations publiques. Que ce soit au niveau national ou en ce qui concerne les collectivités territoriales (régions, départements, intercommunalités), l'action publique s'inscrit dans le cadre des politiques européennes et est exposée, dans certains domaines, à l'influence de groupes de pression. La Cour des comptes vérifie l'emploi des fonds publics et sanctionne les manquements à leur bon usage.
I. Différents types d'organisations publiques
Le concept de stratégie définie comme l'orientation à long terme de l'organisation est facile à appréhender pour une entreprise. Pour une organisation publique, cette notion est déjà moins naturelle. En effet, ces organisations sont très contraintes, à la fois au niveau des objectifs stratégiques qu'elles vont se fixer, mais également au niveau du cadre réglementaire et budgétaire qui régit leurs actions.
Il existe en France de nombreuses formes d'organisations publiques. Les principales sont les administrations centrales et les collectivités territoriales (communes, groupements de communes, départements et régions). Ces organisations ont parfois des établissements placés sous leur tutelle (ex. : un établissement public local d'enseignement ou EPLE, qui est le statut d'un lycée ou d'un collège ; un établissement public de santé, qui caractérise les hôpitaux publics).
Enfin, les administrations de sécurité sociale sont également de grandes organisations publiques. Elles sont financées par les cotisations sociales, mais aussi par certains impôts.
Il faut toutefois être vigilant, les services publics (service des eaux, déchets ménagers, transports scolaires…) sont parfois assurés par le secteur privé par « délégation » de service public.
II. Les finalités et missions du service public
Les organisations publiques sont contraintes par leur finalité, qui est la satisfaction de l'intérêt général (mission d'éducation, de santé, de sécurité, de justice…), c'est-à-dire des besoins sociaux qu'une activité privée lucrative ne cherche pas forcément à satisfaire. Ainsi, la finalité d'une administration publique est d'assurer le fonctionnement des « services d'intérêt général » (notion européenne répondant à celle de services publics en France) et de gérer le domaine public.
Le citoyen bénéficie d'une multitude de services publics au quotidien. Il peut les rencontrer dans des domaines aussi variés que la sécurité que lui procurent la police ou la gendarmerie, l'éducation, la santé, la culture, la communication ou l'énergie.
Ces services publics sont pris en charge par les organisations publiques en partie ou totalement.
La justice, par exemple, n'est pas un besoin social qui pourrait être satisfait convenablement par une organisation privée dans toute sa dimension. Une justice publique et gratuite (le justiciable ne paie pas le juge) doit permettre l'égalité des justiciables et l'indépendance de la justice.
En outre, certains services publics ne sont pas rentables : ils sont par conséquent financés par les impôts, taxes, cotisations sociales…
III. Des stratégies contraintes par les principes du service public
La finalité d'une organisation publique est d'assurer le fonctionnement des « services d'intérêt général ». Ces derniers reposent sur les principes fondamentaux de continuité, d'égalité, d'équité et d'adaptabilité qui s'imposent à ces organisations.
La continuité : un service public doit être rendu de manière régulière et ne doit pas s'interrompre si ce n'est pas prévu par la réglementation.
Exemple : tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire est accueilli pendant le temps scolaire. Il doit bénéficier gratuitement d'un service d'accueil en cas d'empêchement des enseignants ou en cas de grève.
L'égalité : toute personne a un droit égal à l'accès au service, participe de manière égale aux charges financières résultant du service et enfin doit être traitée de la même façon que tout autre usager.
Exemple : une différence de traitement d'un élève par la manifestation d'un racisme ou d'une discrimination constitue une grave faute déontologique pour l'enseignant qui la réalise.
L'équité : l'égalité ne joue qu'entre des situations comparables. Les organisations publiques doivent également être capables de s'adapter et tenir compte des situations particulières de certains usagers. Ainsi, l'équité consiste à accorder des droits spécifiques aux usagers dans une situation jugée désavantageuse.
Exemple : des tarifs différents dans les transports publics pour les bénéficiaires de la CMU ou du RSA.
L'adaptabilité : le service public ne doit pas demeurer immobile face aux évolutions de la société ; il doit suivre les besoins des usagers ainsi que les évolutions techniques.
Exemple : les services fiscaux qui permettent des démarches sur Internet 7j/7 et 24h/24.
IV. Les modalités d'intervention des organisations publiques
En fonction de leurs statuts, les organisations publiques auront des missions plus ou moins spécialisées. À côté des collectivités locales (régions, départements, communes), qui jouissent d'une autonomie importante et de missions très larges (notamment depuis le début du processus de décentralisation dans les années 1980), il existe d'autres organisations publiques qui ont des missions plus restrictives. C'est le cas de Pôle emploi qui est spécialisé dans le placement et l'indemnisation des demandeurs d'emploi. C'est le cas aussi des hôpitaux publics ou des crèches municipales pour lesquels la stratégie sera délimitée dans le cadre de leur mission (santé et accueil des enfants).
Les organisations publiques peuvent également faire le choix de confier à d'autres organisations, le plus souvent des entreprises, certaines activités de service public. C'est souvent le cas de la gestion de l'eau ou des ordures ménagères. Il s'agit alors d'une délégation de service public qui est encadrée par un cahier des charges très strict. La délégation est attribuée à un prestataire après un appel d'offres qui met en concurrence plusieurs entreprises. Il s'agit souvent de recourir à une entreprise spécialisée et de faire des économies.
L'entreprise Veolia, par exemple, est un grand acteur du service public dans le domaine des ordures ménagères.
Lorsque certaines missions de service public sont déléguées au secteur privé, on peut parler de partenariat public-privé (PPP). L'État propose alors au secteur privé de participer à des projets qui entrent normalement dans son champ d'action.
V. Des stratégies contraintes par un cadre budgétaire et réglementaire
Les stratégies définies par les organisations publiques sont tributaires de contraintes de nature budgétaire et réglementaire. Les ressources financières des organisations publiques proviennent principalement des ressources fiscales prélevées sur les contribuables. L'usage des fonds ainsi mis à leur disposition est donc strictement encadré pour garantir qu'ils seront dépensés dans l'intérêt général.
Pour les collectivités locales, par exemple, les dépenses prévues sont proposées, débattues puis votées au budget de la collectivité.
Cette contrainte budgétaire est aujourd'hui encore plus forte que par le passé. Toutes les organisations publiques sont amenées à réduire leurs dépenses en continuant à assurer leurs missions essentielles. Elles sont donc à la recherche d'efficience, c'est-à-dire de faire aussi bien que par le passé avec moins de moyens.
Le respect des principes de service public est également source de contraintes réglementaires pour les organisations publiques. Ils doivent être pris en compte pour définir la stratégie de l'organisation et anticiper les évolutions qui influencent son offre.
Par exemple, l'augmentation ou la baisse de la population dans une ville doit conduire celle-ci à adapter son offre de services publics (écoles, crèches, urbanisme…) tout en intégrant l'évolution des recettes que cela implique (niveau des impôts locaux notamment).
VI. Les résultats attendus de la démarche stratégique
Comme pour les entreprises, la stratégie des organisations publiques est évaluée par rapport aux objectifs préalablement fixés. La question des moyens et celle de l'utilisation efficiente des ressources constituent également des critères d'évaluation de leur stratégie. La performance des organisations publiques est aussi appréciée par rapport à celles des autres organisations « concurrentes ». Pour une collectivité locale, il peut s'agir d'une concurrence avec les collectivités environnantes pour attirer des entreprises ou des événements importants (compétitions sportives, festivals, foires, subventions pour attirer les entreprises dans sa ville…).
Pour les hôpitaux et les établissements de l'Éducation nationale, la concurrence est réelle et parfois forte avec les établissements privés qui assurent les mêmes missions avec une finalité lucrative (cliniques et écoles privées…).
La stratégie des organisations publiques est également évaluée par les parties prenantes, notamment les usagers. Ceux-ci exigent une qualité des prestations publiques, le respect strict des principes du service public (continuité des services de transport…), la transparence et la pertinence des dépenses publiques. L'usager est considéré de plus en plus comme un client qu'il faut satisfaire en adoptant des pratiques issues du secteur marchand (démarche qualité, personnalisation des prestations et de la communication…).
À retenir
Les organisations publiques ont pour finalité la satisfaction de l'intérêt général, c'est-à-dire des besoins sociaux qu'une activité privée lucrative ne cherche pas forcément à satisfaire. Ainsi, la finalité d'une administration publique est d'assurer le fonctionnement des services d'intérêt général. Ces derniers reposent sur les principes fondamentaux de continuité, d'égalité, d'équité et d'adaptabilité du service public.
La production d'un bien public a pour objectif de répondre gratuitement ou quasi gratuitement aux besoins de la collectivité. Ils ne sont pas nécessairement financièrement rentables. Par conséquent, ils sont délaissés par les organisations privées qui recherchent le profit.
Les principales formes d'organisations publiques sont les administrations centrales, les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales, ainsi que les établissements placés sous leur tutelle. Elles sont financées par des ressources fiscales et non fiscales (emprunt, tarification client…).
Les services publics sont parfois assurés par le secteur privé par délégation de service public.
Les finalités et les missions des organisations publiques sont définies et encadrées par la réglementation. Elles sont en outre soumises à l'influence de groupes de pression. Leurs marges de manœuvre en matière d'affectation des ressources sont donc fortement contraintes.
Exercice n°1
Parmi les principes suivants, cochez les principes dévolus habituellement au service public :
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
loyauté
égalité
équité
adaptabilité
Nous pouvons évoquer quatre principes du service public. Le principe de continuité impose un fonctionnement sans interruption. Celui d'égalité implique que tous les usagers doivent être traités et accueillis de la même façon. Toutefois, par équité, le service public tient parfois compte des situations particulières de certains usagers. Enfin, le principe d'adaptabilité souligne la nécessaire évolution des services publics afin de répondre aux nouveaux besoins sociaux ou technologiques.
Exercice n°2
Parmi les propositions suivantes, trouvez l'intrus :
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
Les capitaux propres
Les taxes
Les cotisations sociales
Les impôts
Les organisations publiques peuvent se financer de manière fiscale ou non fiscale. L'État ou les collectivités locales perçoivent des impôts et des taxes, par exemple. Les organismes de sécurité sociale collectent les cotisations sociales (patronales et salariales).
L'entreprise peut se financer par ses propres ressources via son épargne (autofinancement), les capitaux apportés par ses actionnaires ou par l'emprunt auprès de services bancaires.
Exercice n°3
Parmi les ressources suivantes, lesquelles ne sont pas nationales ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
taxe d'habitation
taxe sur la valeur ajoutée
taxe foncière
taxe d'enlèvement des ordures ménagères
Les impôts locaux sont divers. Les particuliers peuvent être soumis à la taxe d'habitation et à la contribution à l'audiovisuel public sur leur habitation. Les propriétaires sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties (ou non bâties). Enfin, il existe d'autres taxes locales comme la taxe sur la vente de terrains agricoles rendus constructibles ou encore la taxe ou redevance d'enlèvement des ordures ménagères… Ces ressources iront notamment financer les communes et leurs groupements, le département et la région.