Extraits de la correspondance de Napoléon Bonaparte en juin 1815 (sujet 0, contrôle continu, analyse de documents, 2019)
Énoncé
Analyse de documents (10 points)
Extraits de la correspondance de Napoléon Bonaparte en juin 1815
Lettre à Joseph [Bonaparte, 1768-1844], président du Conseil des ministres, Philippeville, 19 juin 1815
Tout n'est pas perdu. Je suppose qu'il me restera, en réunissant mes forces, 150 000 hommes. Les fédérés et les gardes nationaux qui ont du cœur me fourniront 100 000 hommes ; les bataillons de dépôt, 50 000. J'aurai donc 300 000 soldats à opposer de suite à l'ennemi. J'attellerai l'artillerie avec des chevaux de luxe ; je lèverai 100 000 conscrits ; je les armerai avec les fusils des royalistes et des mauvaises gardes nationales ; je ferai lever en masse le Dauphiné, le Lyonnais, la Bourgogne, la Lorraine, la Champagne ; j'accablerai l'ennemi ; mais il faut qu'on m'aide et qu'on ne m'étourdisse point. Je vais à Laon : j'y trouverai sans doute du monde. Je n'ai point entendu parler de Grouchy ; s'il n'est point pris, comme je le crains, je puis avoir dans trois jours 50 000 hommes. Avec cela j'occuperai l'ennemi, et je donnerai le temps à Paris et à la France de faire leur devoir. Les Autrichiens marchent lentement ; les Prussiens craignent les paysans et n'osent pas trop s'avancer ; tout peut se réparer encore. Écrivez-moi l'effet que cette horrible échauffourée aura produit sur la Chambre. Je crois que les députés se pénétreront que leur devoir, dans cette grande circonstance, est de se réunir à moi pour sauver la France. Préparez-les à me seconder dignement ; surtout du courage et de la fermeté […].
Déclaration au peuple français. Au palais de l'Élysée, 22 juin 1815
Français ! En commençant la guerre pour soutenir l'indépendance nationale, je comptais sur la réunion de tous les efforts, de toutes les volontés, et le concours de toutes les autorités nationales. J'étais fondé à en espérer le succès, et j'avais bravé toutes les déclarations des puissances contre moi. Les circonstances paraissent changées. Je m'offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France. Puissent-ils être sincères dans leurs déclarations, et n'en avoir jamais voulu qu'à ma personne ! Ma vie politique est terminée, et je proclame mon fils sous le nom de Napoléon II, Empereur des Français. Les ministres actuels formeront provisoirement le conseil de gouvernement. L'intérêt que je porte à mon fils m'engage à inviter les chambres à organiser sans délai la régence par une loi. Unissez-vous tous pour le salut public et pour rester une nation indépendante.
Source : Napoléon Bonaparte, Correspondance générale, tome quinzième « Les chutes 1814-1821. Supplément 1788-1813 », publiée par la Fondation Napoléon, Fayard, 2018, pp. 1094 et 1096.
Questions :
Dans cette deuxième partie, vous devez analyser un ou plusieurs documents, en tirer des enseignements et les mettre en perspective par rapport à vos connaissances. Plusieurs questions sont posées, à la fois pour guider l'analyse et pour tester vos connaissances. Les réponses aux questions supposent un travail de rédaction approfondi.
1) Présentez l'auteur de ces textes et sa situation le 19 juin 1815.
Cette première consigne est faussement simple : elle fait appel presque exclusivement à vos connaissances. Vous devez présenter Napoléon Bonaparte et le contexte particulièrement riche qui précède la bataille de Waterloo.
2) Identifiez les puissances alliées contre lui et présentez brièvement leurs objectifs.
Indiquez les lignes du texte où vous trouvez les éléments vous permettant de répondre, et complétez avec vos connaissances personnelles.
3) Montrez comment il compte demeurer au pouvoir le 19 juin 1815.
Ici, cette consigne porte sur vos capacités d'analyse de texte. Citez le document en utilisant des guillemets et la référence des lignes, et intégrez ces citations à votre démonstration.
4) Selon vous, comment et pourquoi est-on passé des espérances exprimées dans la lettre du 19 juin 1815 aux résolutions prises le 22 juin 1815 ?
Lorsque vous citez des extraits du texte, vous pouvez couper ces citations, pourvu qu'elles restent compréhensibles et qu'elles conservent leur sens initial.
5) Pourquoi Napoléon proclame-t-il son fils empereur et quelle suite les puissances européennes ont-elles donnée à cette proclamation ?
Cette question fait appel à votre sens de la déduction et à vos connaissances personnelles. Structurez votre réponse en plusieurs paragraphes.
Corrigé
Analyse de documents (10 points)
1) En 1814, Napoléon Bonaparte, empereur des Français depuis 1804, a été contraint d'abdiquer. Face aux difficultés rencontrées par le nouveau roi Louis XVIII, il décide de s'évader de l'île d'Elbe où il vivait en exil pour reconquérir son trône. C'est le début des Cent-Jours. Accueilli triomphalement à Paris, il doit cependant faire face à la coalition des armées européennes. Il décide alors de partir à la rencontre des troupes ennemies localisées en Belgique.
Le 19 juin 1815, Napoléon Bonaparte vient d'essuyer une défaite écrasante contre les Anglais et les Prussiens lors de la bataille de Waterloo, qui a eu lieu la veille.
Le 19 juin 1815, Napoléon Bonaparte vient d'essuyer une défaite écrasante contre les Anglais et les Prussiens lors de la bataille de Waterloo, qui a eu lieu la veille.
2) Les puissances alliées contre Napoléon sont l'Autriche et la Prusse. On peut également citer le Royaume-Uni, bien qu'il ne soit pas mentionné dans le document. Ces puissances européennes, réunies au congrès de Vienne entre septembre 1814 et juin 1815, refusent le retour de l'Empire et sont favorables à un retour de la monarchie en France. Elles forment ainsi la septième coalition qui entre en guerre contre la France.
3) Le lendemain de sa lourde défaite contre la coalition à Waterloo, Napoléon Bonaparte écrit à son frère, président du Conseil des ministres, qu'il planifie sa revanche. Il y expose son plan de campagne : il espère « lever en masse » des hommes prêts à le suivre afin de contenir l'invasion étrangère : selon lui, « tout peut se réparer encore » et il peut « sauver la France ».
Sa lettre montre cependant son inquiétude vis-à-vis de la réaction de la Chambre des députés : Napoléon est conscient qu'il a besoin du soutien de ceux-ci pour rester au pouvoir (« il faut qu'on m'aide et qu'on ne m'étourdisse point »).
Sa lettre montre cependant son inquiétude vis-à-vis de la réaction de la Chambre des députés : Napoléon est conscient qu'il a besoin du soutien de ceux-ci pour rester au pouvoir (« il faut qu'on m'aide et qu'on ne m'étourdisse point »).
4) Le 19 juin 1815, Napoléon Bonaparte espère encore contenir l'invasion étrangère et rester au pouvoir. Ce projet s'avère rapidement illusoire : il découvre en effet que le pays ne le suit plus. C'est ce qu'il exprime dans sa déclaration au peuple français trois jours plus tard, le 22 juin 1815 : « je comptais sur la réunion de tous les efforts, de toutes les volontés, et le concours de toutes les autorités nationales. (…) Les circonstances paraissent changées ». C'est pourquoi Napoléon, retourné à Paris, abdique en faveur de son fils : « je m'offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France. […] Ma vie politique est terminée, et je proclame mon fils sous le nom de Napoléon II, Empereur des Français. ».
5) Napoléon proclame son fils empereur, car il souhaite que l'Empire soit préservé et que la dynastie des Bonaparte reste au pouvoir. Cela contrevient au souhait des puissances européennes, qui réclament la fin de l'Empire et le retour à l'ordre monarchique. C'est pourquoi Napoléon, conscient de cette opposition, engage le peuple français à s'unir « pour rester une nation indépendante ».
Cependant, la coalition des monarchies européennes réagit en contraignant Napoléon à l'exil sur la lointaine île Sainte-Hélène, dans l'océan Atlantique sud. Il y mourra en 1821. La monarchie est restaurée en France avec le retour de Louis XVIII sur le trône.
Cependant, la coalition des monarchies européennes réagit en contraignant Napoléon à l'exil sur la lointaine île Sainte-Hélène, dans l'océan Atlantique sud. Il y mourra en 1821. La monarchie est restaurée en France avec le retour de Louis XVIII sur le trône.