Juillet-novembre 1916 : la bataille de la Somme
La bataille de la Somme est considérée aujourd'hui comme l'une des plus importantes opérations militaires de la Première Guerre mondiale avec Verdun. Il s'agit aussi de l'une des plus meurtrières. En quoi est-elle caractéristique de la Première Guerre mondiale, un conflit d'un genre nouveau ?
Une mobilisation massive
• Le front occidental est stabilisé depuis décembre 1914, date à laquelle la guerre de mouvement fait place à une guerre de position. Dans ce contexte, les Alliés britanniques et français se coordonnent pour planifier la bataille de la Somme, dans l'espoir de faire une percée sur les lignes allemandes sur le front occidental. L'offensive est conçue par le maréchal Joffre, commandant en chef des armées françaises, qui a pour objectif de revenir à une guerre de mouvement.
• Comme la bataille de Verdun (février-décembre 1916) mobilise l'essentiel des troupes françaises, l'armée britannique vient en renfort. À la différence des armées françaises et allemande, elle est alors principalement composée d'engagés volontaires, car la conscription n'est établie en Grande-Bretagne qu'en 1916. Ainsi, la bataille de la Somme est la première offensive franco-britannique conjointe de la Grande Guerre. Elle mobilise plus d'un million et demi de soldats du côté de l'Entente, qui viennent des empires coloniaux britannique et français. C'est la première fois que la région accueille un rassemblement d'une telle diversité, avec des hommes venus de tous les continents. La Somme devient dès lors un espace mondial, où Français, Anglais, Africains, Indochinois, Chinois, Néo-Zélandais, Sud-Africains et Indiens combattent côte à côte.
Une bataille industrielle
• En vue de la bataille, la puissance de feu de l'artillerie est renforcée, avec l'introduction d'un armement plus moderne. Ainsi, les premiers jours, les lignes allemandes sont bombardées en continu par l'artillerie. Les Allemands répondent par l'emploi de la mitrailleuse, fusil automatique qui peut tirer 15 coups par minute en 1916 et qui est la cause principale des morts britanniques et français le 1er juillet.
• Par ailleurs, l'année 1916 se caractérise par d'importants progrès de l'aviation. Les avions sont utilisés pour la reconnaissance, la photographie aérienne mais également pour l'offensive : ils sont équipés de mitrailleuses et sont organisés en escadrilles. Anglais et Français possèdent une supériorité numérique en appareils lors de la bataille de la Somme : c'est pourquoi ils obtiennent la victoire dans les airs. Les actions offensives menées au-dessus de la zone contrôlée par les Allemands affectent le moral des troupes ennemies.
• Enfin, en septembre 1916, une arme nouvelle fait son apparition : les premiers chars d'assaut britanniques, autrement appelés « tanks », sont conçus pour franchir les tranchées allemandes en tirant à la mitrailleuse ou au canon tout en étant à l'épreuve des coups de l'adversaire.
• La guerre industrielle semble donc atteindre son apogée lors de la bataille de la Somme, avec des conséquences désastreuses sur les hommes et les paysages.
Une bataille meurtrière
• En effet, la bataille de la Somme a été une des opérations les plus sanglantes du conflit ; c'est pourquoi elle symbolise la violence extrême de la Première Guerre mondiale dans la mémoire collective. Plus de 400 000 soldats sont tués entre juillet et novembre 1916. L'offensive du 1er juillet 1916 est la plus meurtrière de toute l'histoire militaire britannique : tournant au désastre, elle cause 60 000 victimes, dont 20 000 morts du côté anglais. L'armée anglaise est en effet constituée essentiellement de volontaires manquant d'expérience, dont c'est la première opération d'envergure.
• Cet affrontement meurtrier n'a que peu de conséquences : les défenses allemandes résistent aux bombardements. L'avance des forces de l'Entente ne dure pas et la bataille s'enlise à nouveau, sous la pluie et dans la boue, pendant une durée de cinq mois. Les conditions climatiques marquent le coup d'arrêt définitif de l'offensive en novembre 1916. Les gains territoriaux sont modestes et la percée tant attendue s'est transformée en bataille d'usure.
Les conséquences de la bataille de la Somme
• La bataille de la Somme marque une étape importante dans l'évolution du conflit : d'abord, impressionnés par les bombardements organisés par la coalition franco-britannique lors de la bataille, les Allemands décident de lancer la guerre sous-marine (torpillage des navires de guerre et de commerce par les sous-marins allemands). C'est l'une des causes de l'entrée en guerre des États-Unis en avril 1917, qui inverse le rapport de force en faveur de la Triple-Entente.
• Par ailleurs, les soldats sont lassés par la guerre d'usure et de plus en plus désespérés face à l'inutilité d'offensives pourtant sanglantes. Ainsi, en 1917, des mutineries éclatent dans plusieurs pays d'Europe.
• En 1918, l'arrivée des troupes américaines et l'usage de chars d'assaut encore plus performants permettront aux forces de l'Entente de lancer de grandes offensives qui se concluront par la défaite de la Triple-Alliance et l'armistice du 11 novembre.
• Les batailles de Verdun et de la Somme sont restées dans les mémoires collectives car elles ont fait toutes deux un grand nombre de victimes par l'emploi d'une technologie militaire avancée, pour une avancée territoriale faible. En cela, elles sont caractéristiques de la Première Guerre mondiale, un conflit d'un genre nouveau. Il existe de nombreux témoignages de la bataille de la Somme, comme les œuvres du peintre allemand Otto Dix ou les écrits d'Ernst Jünger. Il s'agit également de la première bataille filmée : deux caméramans sont envoyés sur le front par le gouvernement britannique dans un objectif de propagande. Le film qui en est tiré obtient un énorme succès et constitue aujourd'hui une source importante d'images d'archives pour les historiens. Dans la mémoire collective française, la bataille est éclipsée par celle de Verdun, tandis qu'elle est très présente dans la mémoire anglo-saxonne du fait de l'ampleur des victimes, dont les corps sont restés dans de grandes nécropoles sur le territoire français.
© 2000-2024, rue des écoles