La Première Guerre mondiale bouleverse les sociétés et l'ordre européen
La guerre qui éclate en Europe en 1914 devient rapidement un conflit mondial et total. Cette guerre d'un genre nouveau bouleverse en profondeur les sociétés européennes. En 1918, à l'issue du conflit, s'amorce la construction d'un nouvel équilibre géopolitique. Comment l'Europe est-elle transformée par la Première Guerre mondiale ?
Tensions européennes et mondialisation du conflit
Une Europe sous tension
• Tout au long du xixe siècle, il existe des rivalités territoriales et des tensions géopolitiques entre les puissances européennes. La plupart d'entre elles ont une politique impérialiste, c'est-à-dire qu'elles cherchent à étendre leur domination sur d'autres territoires.
• Ainsi, il existe des rivalités dans le cadre de la constitution des empires coloniaux européens. Par exemple, l'Allemagne et la France s'opposent pour le contrôle du Maroc au début du xxe siècle. Par ailleurs, la France, qui a perdu l'Alsace-Moselle lors d'un précédent conflit et souhaite récupérer ce territoire, nourrit un esprit de « revanche » à l'égard de l'Allemagne.
• Ces rivalités entraînent l'entretien de puissantes armées et des alliances militaires.
• En Europe de l'Est, la Russie, l'Autriche-Hongrie et l'Empire ottoman sont des empires multinationaux, c'est-à-dire que ces puissances regroupent des peuples de nationalités différentes. La Russie et l'Autriche-Hongrie se disputent les territoires de l'Empire ottoman qui se disloque depuis le début du xixe siècle avec l'indépendance d'États comme la Grèce en 1830. En effet, certains peuples des Balkans revendiquent leur reconnaissance comme États indépendants au nom du principe des nationalités.
L'internationalisation du conflit
• L'événement déclencheur du conflit est l'attentat de Sarajevo : l'archiduc François-Ferdinand, héritier de l'empire d'Autriche-Hongrie, est assassiné par un nationaliste serbe. Après cet événement, le système d'alliances conduit, en août 1914, à une série de déclarations de guerre et à une internationalisation rapide du conflit.
• La Triple-Alliance, ou Triplice, est constituée de l'Allemagne, de l'Autriche-Hongrie et de l'Italie. L'Empire ottoman s'engage de leur côté en novembre 1914. L'Italie décide de rester neutre, puis s'engage finalement du côté de la Triple-Entente en échange de la promesse de gains territoriaux. La Triple-Entente regroupe la France, le Royaume-Uni et la Russie, ainsi que l'Italie à partir de 1915.
• La guerre déborde rapidement le terrain européen : on parle de mondialisation du conflit. En effet, le Royaume-Uni et la France ont un immense empire colonial. Les colonies entrent en guerre aux côtés de leur métropole, et les populations coloniales, notamment d'Afrique et d'Inde, fournissent des soldats, de la main-d'œuvre et des matières premières.
• Par ailleurs, les États-Unis entrent en guerre auprès des Alliés en 1917. La guerre est donc mondiale et la mobilisation massive.
Entrer en guerre : une mobilisation massive
• La mobilisation, au sens militaire, désigne la convocation des troupes en vue de préparer l'affrontement. Celle-ci est massive durant la Première Guerre mondiale : plus de 70 millions d'hommes sont appelés à combattre au cours de la guerre. Dans la plupart des pays, la conscription, c'est-à-dire la réquisition de la population masculine en âge de combattre, permet de mettre sur pied une armée conséquente. Au Royaume-Uni, les volontaires répondent massivement aux appels du gouvernement dès les premiers mois de la guerre.
• Dans la plupart des pays engagés dans la guerre, l'opinion publique accorde son soutien aux gouvernements respectifs. Des unions sacrées sont créées : ce sont des mouvements de rapprochement entre partis politiques pour soutenir l'effort de guerre. Le patriotisme est fort et la volonté de défendre son pays est entretenue par la propagande. Cependant, les populations européennes s'attendent à une guerre courte.
Exercice n°1Exercice n°2Un conflit d'un genre nouveau
Une guerre d'usure
• Après la bataille de la Marne en septembre 1914, l'offensive allemande, jusqu'alors victorieuse, est stoppée et l'espoir d'une guerre courte s'envole : la guerre de mouvement fait place à une guerre de position, autrement appelée guerre des tranchées. Le face-à-face des armées se fige sur 800 kilomètres, le long d'une ligne de front qui se stabilise pour presque quatre ans. De part et d'autre, les combattants s'abritent dans des tranchées plus ou moins fortifiées.
• La situation est similaire à l'est : le front oriental se fige sur une ligne allant de la mer Baltique à la mer Noire. Sortir de cet enlisement impose de créer de nouveaux fronts. En 1915, la bataille des Dardanelles étend le conflit en Orient. À la fin de l'année 1915, avec l'entrée en guerre de l'Italie, l'Allemagne doit se battre sur quatre fronts.
• Sur le front occidental, les soldats, qui espèrent une avancée décisive à chaque grande attaque, sont rapidement déçus et lassés de cette guerre d'usure. En effet, les conditions de vie sont très difficiles dans les tranchées : ils y côtoient la boue, les rats, la peur et l'ennui entre les assauts. L'artillerie y constitue une menace permanente et aléatoire. Ainsi, les cas de désobéissance collective, appelés mutineries, se multiplient au printemps 1917 dans l'armée française, notamment après l'échec de la bataille du Chemin des Dames en avril 1917. Le commandement lutte contre ces révoltes par la multiplication des conseils de guerre, des pelotons d'exécution, mais aussi l'augmentation du nombre de permissions.
Une guerre totale
• Les civils, comme les militaires, sont engagés dans le conflit. C'est pourquoi les historiens qualifient ce conflit de guerre totale : en effet, les États mobilisent toutes leurs ressources humaines et matérielles pour anéantir l'adversaire.
• D'abord, à l'arrière, beaucoup d'usines se reconvertissent dans l'armement et emploient majoritairement des femmes, les hommes étant partis au front. Une économie de guerre se met en place : l'État accentue son contrôle sur l'économie et emprunte massivement, notamment auprès des civils, pour financer les dépenses militaires. Il s'agit en effet d'une guerre industrielle très coûteuse : les progrès techniques concernent surtout l'artillerie (canons, mortiers). La Première Guerre mondiale voit également l'apparition de la mitrailleuse, des gaz et du char d'assaut, ainsi que la généralisation des sous-marins et des avions militaires.
• Par ailleurs, la censure d'État est destinée à éviter toute démoralisation à l'arrière, tandis que la propagande diabolise l'ennemi et glorifie les soldats. Une culture de guerre se développe, qui se caractérise par une haine profonde de l'ennemi.
Un conflit meurtrier
• Du fait des progrès techniques et de l'augmentation de la puissance de feu, les combats de la Première Guerre mondiale dépassent en violence et en dégâts les combats des guerres précédentes.
• Les civils sont également très durement touchés par le conflit, notamment avec le bombardement des villes proches du front. Dans l'Empire ottoman, la minorité chrétienne arménienne est perçue comme un « ennemi intérieur ». À partir de 1915, les Arméniens sont déportés et massacrés sur ordre du gouvernement. Ce génocide (destruction intentionnelle et planifiée d'un groupe en raison de ses origines ethniques ou religieuses) aboutit à l'extermination de plus d'un million de personnes, soit entre la moitié et les deux tiers des Arméniens.
Exercice n°3Exercice n°4Sortir de la guerre, reconstruire l'ordre européen
Reconstruire la paix
• Les bolcheviks, qui ont pris le pouvoir en Russie après la révolution d'Octobre 1917, négocient une paix séparée avec l'Allemagne qui aboutit à un armistice (c'est-à-dire la fin des combats sur le front de l'est) en décembre 1917. Ce retrait de la Russie donne un avantage à l'Allemagne, mais l'arrivée massive des troupes américaines en été 1918 inverse le rapport de force. Ainsi, le 11 novembre 1918, l'armistice est signé à Rethondes : la Triple-Alliance sort vaincue du conflit.
• Le président des États-Unis, Woodrow Wilson, avait auparavant formulé 14 points indispensables pour construire une paix durable. C'est sur la base des 14 points Wilson que la conférence de paix se réunit à Paris entre janvier et juin 1919. Il s'agit notamment de s'engager à mener une diplomatie franche et transparente, de respecter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et le principe des nationalités pour tracer les nouvelles frontières. Autrement dit, à chaque peuple est reconnu le droit de se constituer en nation indépendante.
• Le traité de Versailles est signé avec l'Allemagne le 28 juin 1919. Les termes en sont durs et l'Allemagne considère ce traité comme un diktat, imposé sans négociation. Elle perd en effet près d'un septième de son territoire et toutes ses colonies, n'a plus le droit d'entretenir ses armées et doit payer de très lourdes réparations. Le traité marque également la création de la Société des Nations (SDN), qui rassemble les États vainqueurs à l'exception des États-Unis. Cette organisation internationale a pour objectif de régler les conflits de façon pacifique, mais s'avère rapidement trop faible pour avoir un réel pouvoir.
La fin des empires européens
• La sortie de guerre voit la mise en place d'un nouvel ordre européen avec la fin des empires multinationaux. Ainsi, l'Empire russe disparaît dès 1917 avec l'abdication du tsar Nicolas II. Le traité de Brest-Litovsk signé en mars 1918 l'ampute de très larges parties de son territoire : la Finlande, la Pologne, l'Ukraine et les pays baltes deviennent des États indépendants.
• Par ailleurs, le traité de Saint-Germain de septembre 1919 confirme le démembrement de l'empire d'Autriche-Hongrie, déjà fortement ébranlé par des révoltes nationalistes. Il donne naissance à des États indépendants, l'Autriche, la Hongrie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, et permet l'agrandissement de pays existants comme l'Italie.
• Enfin, l'Empire ottoman perd avec le traité de Sèvres (août 1920) la majeure partie de son territoire, au profit des Arméniens, des Grecs et des puissances victorieuses. Ce traité apparaît insupportable aux Turcs, qui, sous le commandement de Mustafa Kemal, repoussent les Grecs hors d'Asie mineure et proclament la république de Turquie en 1923.
Des sociétés traumatisées
• Les sociétés européennes sortent durablement meurtries de ce conflit : d'abord, les destructions matérielles ont été très importantes près des zones de combat, et la reconstruction se fait dans l'urgence par des États endettés par la guerre.
• Le bilan humain est également très lourd : la Première Guerre mondiale a entraîné la mort de 10 millions de soldats, la plupart à cause de l'artillerie. Celle-ci, lorsqu'elle ne tue pas, inflige de très lourdes blessures au corps humain et des handicaps à vie pour ceux qu'on appelle les « gueules cassées ». En outre, des soldats développent des troubles psychiques graves, tels l'amnésie et le mutisme, qui peuvent subsister après-guerre. Les victimes civiles, difficiles à estimer, sont presque aussi nombreuses (entre 6 et 10 millions).
• Pour commémorer la guerre, des monuments aux morts sont érigés partout à travers l'Europe. Les anciens combattants se constituent en associations puissantes qui tiennent un discours pacifiste, qui dénonce la guerre : la Grande Guerre doit être la dernière en Europe, la « der des ders ».
Exercice n°5
Exercice n°5
Exercice n°1
Qu'est-ce que le principe des nationalités ?
Cochez la bonne réponse.
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Proclamé par la Révolution française en même temps que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le principe des nationalités a joué un rôle important au cours du xixe siècle : c'est en son nom que certains peuples revendiquent et obtiennent leur indépendance, comme les Grecs en 1830. Réaffirmé en 1918 par le président américain Wilson dans son « discours des 14 points », il est la cause principale de l'éclatement des empires multinationaux (Russie, Empire ottoman, Autriche-Hongrie).
Exercice n°2
Quel est le nom de l'alliance militaire dans laquelle se trouve la France durant la Première Guerre mondiale ?
Cochez la bonne réponse.
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La Triple-Entente regroupe la France, le Royaume-Uni et la Russie (qui négocie une paix séparée en décembre 1917), ainsi que l'Italie à partir de mai 1915 et les États-Unis à partir d'avril 1917. Elle sort victorieuse du conflit qui l'oppose à la Triple-Alliance (nommée également Triplice).
Exercice n°3
Qu'est-ce qu'une guerre de position ?
Cochez la bonne réponse.
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Cette stratégie militaire qui consiste à défendre des points fixes existe depuis l'Antiquité, par exemple avec les sièges de villes fortifiées. Cependant, elle est peu utilisée dans les conflits du xixe siècle. Après l'échec des offensives allemandes, la Première Guerre mondiale devient rapidement une guerre de tranchées : les combattants s'abritent le long de lignes creusées dans le sol et fortifiées, et sont protégés par des armes légères et l'artillerie. Cette dernière joue un rôle majeur car elle permet d'attaquer à distance. Les assauts réguliers des soldats, qui quittent la tranchée pour pénétrer le , ont pour objectif d'essayer de réaliser une percée dans les lignes ennemies. Ils sont extrêmement meurtriers.
Exercice n°4
Quelle est la minorité qui a fait l'objet d'un génocide à partir de 1915 en Europe ?
Cochez la bonne réponse.
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Les Arméniens sont un peuple chrétien vivant dans l'Empire ottoman, l'Empire russe et la Perse. Dans l'Empire ottoman, le pouvoir est possédé par des nationalistes turco-musulmans qui considèrent les Arméniens comme des ennemis intérieurs. Déjà persécutés au xixe siècle, ils sont soupçonnés de soutenir les Russes et déportés, internés dans des camps et exécutés en masse en 1915-1916. Ces massacres, intentionnels et organisés par le pouvoir, sont aujourd'hui définis par plusieurs États comme le premier génocide du xxe siècle, tandis que la Turquie refuse fermement de les reconnaître comme tel.
Exercice n°5
Quel est le nom de l'organisation internationale créée en 1919 pour veiller au maintien de la paix européenne ?
Cochez la bonne réponse.
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Introduite par le traité de Versailles en 1919, la Société des Nations (SDN), dont le siège est basé à Genève, a pour objectif de veiller au maintien de la paix en Europe. Elle prône notamment la sécurité collective, c'est-à-dire la vigilance de chaque État quant à la sécurité et l'indépendance de tous les autres. Elle consolide la diplomatie européenne, mais ne possède pas ses propres forces armées et s'avère incapable de prévenir les agressions de l'Allemagne nazie dans les années 1930. Elle est remplacée par l'Organisation des Nations unies (ONU) en 1945.