La IIIe République avant 1914 : un régime, un empire colonial


Fiche

La IIIe République est proclamée dans un contexte de crise, et son avenir paraît très vite menacé. Une république désigne une forme d'organisation politique où le pouvoir n'est pas héréditaire, par opposition à la monarchie. Or, les partisans de la monarchie sont encore nombreux en 1870. Pour rassembler l'opinion autour d'un régime nouveau, la démocratie parlementaire, et l'inscrire dans la durée, ses partisans mettent en œuvre un projet républicain. Comment la IIIe République (1870-1940) parvient-elle à enraciner le modèle démocratique tout en mettant en place un empire colonial ?
La mise en œuvre d'un projet républicain
Un régime né dans un contexte de crise
• En 1870, la France déclare la guerre à la Prusse. Après la capture de l'empereur Napoléon III, les députés de l'opposition républicaine, comme Léon Gambetta ou Jules Ferry, proclament la IIIe République le 4 septembre 1870. L'armistice est signé en janvier 1871 et l'Allemagne inflige à la France une défaite humiliante en annexant l'Alsace et la Moselle.
• Les élections législatives de 1871 voient la victoire des monarchistes, qui remportent la majorité des sièges à la chambre des députés. La population parisienne, qui a voté majoritairement en faveur des républicains et pour la poursuite de la guerre, se révolte contre le gouvernement et proclame la Commune de Paris, libre et indépendante. Cet épisode révolutionnaire est réprimé très durement.
• Les conservateurs au pouvoir préparent une restauration de la monarchie, mais ils sont très divisés. Leurs désaccords favorisent la conquête progressive du pouvoir par les républicains, qui obtiennent des victoires électorales ainsi que le vote des lois constitutionnelles en 1875. Ces lois définissent le fonctionnement de la République, qui s'affirme comme un régime parlementaire. Le Parlement, constitué de la Chambre des députés et du Sénat, dispose du pouvoir législatif. Le président du Conseil, chef du gouvernement, détient l'essentiel du pouvoir exécutif, mais il est responsable devant le Parlement et peut être destitué par lui. Le Parlement devient donc le centre de la vie politique.
Des lois fondatrices inspirées de 1789
• En 1879, les républicains sont majoritaires aux élections législatives. Le projet républicain d'installation de la démocratie peut alors commencer. La démocratie est un système politique fondé sur la souveraineté populaire, qui se caractérise par la séparation des pouvoirs, le respect des libertés fondamentales et de l'État de droit.
• Ainsi, à la fin du xixe siècle, les libertés fondamentales sont élargies et garanties par plusieurs lois, qui s'inspirent des principes et des droits de la Révolution française. La loi sur la liberté de la presse de 1881 garantit la liberté d'expression et donne une place importante aux journaux, qui vont dès lors constituer un contre-pouvoir. La même année est proclamée la liberté de réunion. En 1884, les syndicats sont autorisés, et les maires ne sont plus désignés mais élus par les citoyens de chaque commune.
• Enfin, la loi sur la liberté d'association (1901) permet la naissance des partis politiques modernes. Ces différentes lois ont pour but de démocratiser l'expérience politique ; cependant, ces libertés comportent des limites, puisque les femmes et les colonisés sont exclus du droit de vote.
La diffusion d'une culture républicaine
• Le suffrage universel masculin implique d'instruire les citoyens. Ainsi, avec les lois Jules-Ferry de 1881-1882, l'école devient gratuite, obligatoire pour les enfants de 6 à 13 ans, et laïque. L'école devient un instrument au service de la République en diffusant à toute la jeune génération une morale et des valeurs républicaines.
• Enfin, pour construire une culture républicaine qui soit la même pour tous les Français et façonner une conscience collective, des symboles sont adoptés : à partir de 1884, toutes les mairies de France sont ornées de la devise républicaine et d'un buste de Marianne, allégorie de la République. Pour inscrire une continuité avec la Révolution française, le 14 juillet est décrété jour de fête nationale et la Marseillaise devient l'hymne officiel.
Exercice n°1Exercice n°2
Crises politiques et enracinement d'une République laïque
Une République toujours fragile
• À la fin du xixe siècle, la République est contestée par l'antiparlementarisme dans un contexte de corruption parlementaire. En effet, une succession de scandales a lieu dans le monde politique, comme le scandale de Panama en 1892. La République est ébranlée par de nombreux attentats anarchistes et la montée du nationalisme, une idéologie qui exalte la supériorité nationale par rapport à des « ennemis » extérieurs (les autres nations) ou intérieurs (notamment les juifs).
L'affaire Dreyfus, une crise majeure qui renforce la République
• Dans ce contexte, l'affaire Dreyfus (1894-1906) est une crise majeure qui divise profondément la société française entre deux conceptions politiques. En 1894, Alfred Dreyfus, officier juif alsacien, est accusé d'espionnage pour le compte de l'Allemagne. Malgré ses protestations d'innocence, il est condamné par un tribunal militaire. Le 13 janvier 1898, Émile Zola publie une lettre ouverte dans L'Aurore, intitulée « J'accuse… ! ». Il accuse l'armée et le gouvernement de ne pas reconnaître l'erreur judiciaire.
• Dès lors, la presse reflète la lutte entre les deux camps. Il y a d'une part les dreyfusards, partisans de l'innocence de Dreyfus au nom des valeurs républicaines et démocratiques. D'autre part, les antidreyfusards regroupent les partisans de la culpabilité de Dreyfus, au nom du soutien de l'armée. Ces derniers sont majoritairement nationalistes et antisémites. L'antisémitisme est une idéologie ou une attitude se caractérisant par la haine des juifs.
• En 1899, Dreyfus est à nouveau jugé coupable, puis il est finalement gracié. La même année, les républicains remportent une majorité écrasante aux élections législatives. L'adhésion de la population française à la République est croissante et l'affaire Dreyfus a permis d'associer la République aux valeurs des droits de l'homme. Alfred Dreyfus est innocenté et réhabilité en 1906.
L'enracinement d'une République laïque
• Les partis républicains s'unissent contre la menace des nationalistes et des cléricaux (c'est-à-dire des partisans de l'intervention du clergé dans les affaires publiques). En effet, en raison de son engagement contre Dreyfus et la République, l'Église catholique est considérée comme une adversaire. C'est une des raisons pour lesquelles les Républicains souhaitent séparer le domaine religieux de la vie politique.
• En outre, inspirés par la Révolution française, ils souhaitent garantir l'égalité entre les citoyens et la liberté de conscience. C'est pourquoi ils inscrivent la laïcité au cœur de leur programme : l'État ne doit favoriser aucune religion.
• D'abord, les lois Ferry imposent une école laïque, garantissant l'absence de signes et d'enseignement religieux dans les établissements publics. Après de nombreux débats, la loi de séparation de l'Église et de l'État est votée par le Parlement en 1905, malgré les vives réactions des catholiques. Elle garantit à chacun la liberté de croyance et de religion, dans un cadre où l'État reste neutre et ne rémunère plus les cultes. La religion relève dorénavant du domaine privé.
• En surmontant ces différentes crises, la IIIe République s'est enracinée dans la conscience collective. Elle s'inscrit dans la continuité de la Révolution française en réaffirmant et approfondissant les libertés fondamentales.
Exercice n°3Exercice n°4
L'empire colonial français avant 1914
La conquête coloniale
• Après une première vague de colonisation au xvie siècle en Amérique et en Asie, celle-ci est relancée à la fin du xixe siècle par les puissances européennes. La colonisation désigne le processus de conquête et de domination exercée sur un territoire et sa population.
• En France, les partisans de la colonisation y voient une opportunité de rendre son rang de grande puissance à une nation affaiblie par la défaite de 1870-1871. En effet, les raisons de la conquête sont d'abord économiques : la conquête de nouveaux territoires permettrait le contrôle de routes commerciales et l'accès à de nouvelles ressources.
• La colonisation est également justifiée par l'idée que la France aurait une « mission civilisatrice », c'est-à-dire un devoir moral vis-à-vis de populations considérées comme inférieures et à qui il faudrait apporter les bienfaits du progrès. Le racisme est donc constitutif de cet élan de conquête, d'autant plus qu'il est relayé dans les milieux scientifiques.
• À la fin du xixe siècle, les puissances européennes rivalisent afin d'étendre leur domination sur de très larges portions de territoires, particulièrement en Afrique. Cela donne lieu à des crises importantes, comme la crise de Fachoda en 1898 entre la France et le Royaume-Uni ou entre la France et l'Allemagne pour le contrôle du Maroc en 1905 et 1911. Ces crises exacerbent le nationalisme.
• À partir de 1881, la France fait de nombreuses conquêtes, par la négociation avec les populations locales ou par la guerre. Par exemple, en Algérie, la conquête se heurte à un fort mouvement de résistance mené par l'émir Abd-el-Kader entre 1830 et 1847.
Gouverner, administrer
• En 1914, la France est devenue le second empire colonial après le Royaume-Uni. Ses colonies ont différents statuts territoriaux qui supposent une administration différente : l'Algérie est un territoire départementalisé, la Tunisie et le Maroc sont des protectorats, l'Afrique-Occidentale française (AOF) et l'Afrique-Équatoriale française (AEF) sont des unions fédérales. La présence française sur ces vastes territoires est discontinue : ils sont inégalement contrôlés et administrés par des militaires et quelques fonctionnaires formés à l'École coloniale, créée à Paris en 1889. L'Algérie est un cas à part : en tant que colonie de peuplement, elle est pleinement intégrée au territoire français.
• Des infrastructures sont aménagées, comme des routes ou des lignes de chemin de fer, pour accompagner l'exploitation économique de ces nouveaux territoires. Les matières premières sont destinées à l'exportation en métropole, et l'industrialisation se développe peu afin de protéger l'industrie française.
Des sociétés coloniales inégalitaires
• La société coloniale née de la cohabitation entre colonisés et colonisateurs se caractérise par ses fortes inégalités et sa violence. Si la propagande républicaine inscrit les valeurs de la République dans le projet colonial, les résultats sont contrastés. Les progrès sanitaires sont certes réels, mais ils ont également pour but d'assurer une main-d'œuvre en bonne santé. La scolarisation progresse très lentement, et la ségrégation est omniprésente entre les Européens et les populations locales.
• Le statut subalterne des colonisés est institutionnalisé par le Code de l'indigénat de 1881, qui leur impose le travail forcé et les prive de la majeure partie de leurs droits politiques. Les nombreuses révoltes sont très durement réprimées.
• Les valeurs républicaines sont donc constamment violées dans l'empire colonial français au début du xxe siècle, alors même qu'elles s'affirment et se consolident en métropole. Cette application à géométrie variable révèle leur fragilité.
Exercice n°5
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