Le litige et la preuve
Fiche
La résolution des litiges n'existe que s'il y a recours au droit. Ce recours est porté devant une juridiction de l'État. Le service public de la justice obéit à des principes qui ont notamment pour objectif de protéger les libertés des citoyens. Dès lors, le procès va se dérouler en une procédure constituée de plusieurs étapes. Au cœur de toute prétention judiciaire se trouve la preuve, qui vise à démontrer l'existence d'un fait ou d'un acte. Par conséquent, deux notions juridiques fondamentales doivent être abordées : les moyens de preuve des actes juridiques et les moyens de preuve des faits juridiques.
I. Comment le litige naît-il ?
• La transformation d'un conflit en litige impose la qualification juridique des faits et la recherche des moyens de preuves pour les parties. Par conséquent, l'existence du litige se concrétise par la volonté des parties de porter le conflit devant la justice. En effet, dès lors qu'aucune solution amiable n'a été trouvée, le recours au juge, ou plus généralement au droit, s'impose. C'est cette formulation juridique du conflit qui devient le litige. Il suppose donc que les parties apportent leurs arguments en se fondant sur des faits. À partir de cet instant, le problème juridique pourra être exposé devant la justice, qui cherchera à adopter la solution adéquate.
• Cependant, n'oublions pas toutefois que le droit est un système de normes dont l'un des objectifs est de pacifier les relations sociales. Par conséquent, la résolution d'un litige passe par la recherche des moyens de droit qui pourront servir les prétentions des parties. En effet, dans la pratique ce sera le juge qui conduira lui-même la tentative de conciliation entre les parties en recherchant une solution servant les intérêts de chacun. Pour ce faire, il leur demandera de présenter leurs arguments afin de les conduire à une solution amiable qui, si elle est acceptée, évitera le procès aux parties.
Exercice n°1II. Comment faire valoir ses droits ?
• Deux notions doivent ici être abordées : l'acte juridique et le fait juridique. Il s'agit de deux comportements qui ont en commun de créer des effets de droit, qui diffèrent néanmoins. En effet, l'acte juridique crée des effets juridiques voulus (ex. : j'achète un bien immobilier afin de devenir propriétaire). En revanche, le fait juridique crée des effets juridiques qui ne sont pas voulus par son auteur (ex. : un accident de la circulation fait un blessé).
• Il est possible de classifier les actes juridiques selon le nombre de participants et l'objectif poursuivi. L'acte juridique est qualifié d'unilatéral s'il émane de la volonté d'une seule personne (ex. : le testament) et bilatéral ou plurilatéral s'il émane de la volonté de deux personnes ou plusieurs (ex. : le contrat de mariage, les conventions collectives). Concernant l'objectif poursuivi, l'acte juridique peut :
- créer des droits (ex. : l'acte de prêt authentique conditionne le prêt d'argent à la mise en garantie d'un bien immobilier sous forme d'hypothèque ou de privilège de prêteur de deniers) ;
- éteindre des droits (ex. : la remise d'une dette éteint le droit du créancier) ;
- modifier des droits (ex. : report de l'échéance de la dette) ;
- transmettre des droits (ex. : la succession).
• Le fait juridique peut être caractérisé de volontaire ou non, même si ses conséquences juridiques ne le sont jamais.
Exercice n°2
Exercice n°2
• Dès l'établissement de cette distinction, nous sommes en mesure de nous interroger sur la charge de la preuve. C'est-à-dire de nous demander à qui il appartient de prouver actes ou faits. Eu égard à l'article 1315 du Code civil, celle-ci revient au demandeur, donc à celui qui intente l'action en justice. L'autre partie est le défendeur, et lui aussi a son rôle à jouer. Il doit démonter les arguments du demandeur en apportant la preuve qu'ils ne sont pas recevables. La procédure s'établit donc comme un dialogue argumenté entre les deux parties : demandeur et défendeur.
• Parfois, la charge de la preuve peut être renversée. Dans ce cas, il apparaît tellement difficile d'apporter la preuve d'un fait que la justice admet, par exception, qu'elle existe. Les parties sont dispensées de rapporter les preuves. C'est le principe du recours aux présomptions. Ainsi, l'enfant né pendant le mariage a pour père le mari de la femme (au moment de la naissance). Par conséquent, le père n'a pas besoin de prouver sa paternité, car elle est admise d'office. Toutefois, la présomption de paternité peut être défaite par le résultat d'un test ADN.
• Le droit consacre différentes formes de présomptions :
Exercice n°3- les présomptions légales sont celles déduites de la loi ;
- les présomptions de fait sont celles que la justice tire librement pour former son jugement ;
- les présomptions irréfragables sont, quant à elles, celles pour lesquelles il est impossible d'apporter la preuve du contraire. Elles ne peuvent être combattues.
III. Quels sont les moyens de preuve ?
• On distingue les preuves parfaites des preuves imparfaites. Les premières sont celles qui sont incontestables, elles ont donc une plus grande valeur juridique. Il s'agit de l'écrit, ou preuve littérale (ex. : l'acte notarié). Les preuves parfaites le sont à différents degrés. L'acte authentique, c'est-à-dire authentifié par un officier public (ex. : le notaire), a davantage de valeur juridique qu'un acte sous seing privé établi par les parties entre elles. En effet, le caractère d'authenticité garantit la validité de fond et de forme de la convention. En ce sens, il s'oppose au contrat sous seing privé (signé entre les seules parties) qui ne peut offrir la même sécurité juridique. En effet, ce dernier ne fait foi de sa date et de son contenu que jusqu'à la preuve du contraire. L'acte authentique, quant à lui, a date certaine, force probante et force exécutoire.
• L'aveu judiciaire est lui aussi un moyen de preuve parfaite. Il s'agit de la reconnaissance par un plaideur de l'exactitude d'un fait allégué contre lui, qui constitue un mode de preuve du fait avoué.
• Par ailleurs, l'évolution de la technologie et l'utilisation prégnante de ses outils soulèvent des questions concernant les nouveaux moyens de preuve. La réforme du code civil et de la preuve des obligations et documents électroniques en 2016 a apporté des précisions en la matière. Ainsi les actes juridiques établis sous forme numérique peuvent détenir la même force probante que les supports écrits. Toutefois, certaines dispositions doivent être réunies :
« L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité (art. 1366 du code civil). »
• Les preuves imparfaites sont plus nombreuses et leur validité dépend de leur qualité. Il est possible de citer l'aveu extrajudiciaire ou les témoignages. Dans ce dernier cas, il s'agit de déclarations qui émanent de tiers et qui relatent des faits dont ils ont eu connaissance. La preuve imparfaite est totalement soumise au pouvoir d'appréciation du juge et à son intime conviction.
Exercice n°4IV. Comment appliquer les différents moyens de preuve aux actes et faits juridiques ?
• Tout d'abord, les preuves apportées doivent émaner de documents extérieurs aux parties, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent être créées par les parties elles-mêmes : la preuve doit être tangible. Son moyen de recueillement doit être loyal, c'est-à-dire qu'on ne peut présenter une preuve sans que tous les tiers concernés en soient avertis. Ainsi, une preuve par vidéo suppose que les personnes identifiées dans l'extrait présenté soient prévenues.
• En ce qui concerne les actes juridiques, la preuve sera apportée principalement par l'écrit dans lequel se manifeste la volonté des parties de créer des effets de droit (ex. : un contrat de vente). Cette disposition s'impose dès lors qu'un montant de plus de 1 500 € est en jeu. En effet, au-delà de cette somme, un écrit est rendu obligatoire par la loi. Cet écrit est exigé en matière civile, mais laissée plus libre en matière commerciale. En effet, les professionnels sont réputés comme devant être instruits des usages de la profession. Ils ont besoin de réagir vite aux exigences du marché. C'est pourquoi il est admis que la rédaction d'un écrit ne soit pas toujours la règle. De fait, les modes de preuve sont plus souples en ce domaine.
• Les faits juridiques provoquant des effets juridiques non voulus, ils ne peuvent se constituer sur un écrit. À cet égard, les faits juridiques seront le plus souvent prouvés par tous les moyens, faute d'écrit.
Exercice n°5V. Zoom sur… l'acte notarié électronique
• L'acte notarié sur support électronique se démocratise dans les études. En effet, l'image du notaire et de ses montagnes de dossiers papier se dépoussière. De plus en plus d'offices optent pour une signature électronique des actes.
• Techniquement, l'acte est élaboré à l'aide d'un logiciel professionnel, par les collaborateurs, ce qui garantit la même force probante que le support écrit. C'est lors de la signature de rendez-vous que la procédure change. L'acte est alors présenté à l'écran aux parties qui peuvent en prendre connaissance en temps réel. Des modifications peuvent être portées directement dans l'acte lors de cette lecture si nécessaire. À la fin du rendez-vous, les parties signent sur une tablette électronique à l'aide d'un stylet. Le notaire, quant à lui, utilise sa signature électronique (clé REAL, unique pour chaque notaire) et l'ensemble est transmis sur le réseau sécurisé de la profession aux différentes administrations (ex. : service de publicité foncière). Les annexes de l'acte sont elles aussi numérisées et annexées, comme pour un support écrit. Par conséquent, l'acte notarié électronique apporte les mêmes garanties que l'acte papier : date certaine, force probante et force exécutoire.
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